Deux mondes opposés?
« Je suis née pour être libre! » dit Blonde à Osmin au début de l’acte II. Oui mais voilà, « ici ou ailleurs, une femme est une femme », et si en Turquie la femme est une « marchandise que l’on donne », il semble qu’en Europe elle soit comme un dû que l’on vient récupérer.
Partout dans le monde, les femmes doivent continuer leur lutte pour conquérir leur liberté, leur égalité et leur indépendance. À l’heure où des Européens ethnocentriques tentent de hiérarchiser les « civilisations » , je crois que l’Enlèvement au Sérail peut être une réflexion pour qui considère l’Occident comme la référence suprême.
La mise en scène que je proposerai s’évertuera à rapprocher le monde oriental du monde occidental notamment en abolissant le folklore orientaliste.
Si L’Enlèvement au Sérail pose universellement la question du droit des femmes, l’oeuvre n’oppose pas non plus les femmes aux hommes. L’Enlèvement au Sérail c’est avant tout la lutte entre l’amour et la raison, entre le progrès et l’obscurantisme, entre les conventions et l’authenticité.
Le Roi déchu
« Sache misérable qu’à cause de ton père j’ai dû fuir ma patrie, j’ai perdu ma gloire, ma fortune et l’amour de ma vie. J’ai été privé de tout. Ton père a anéanti mon bonheur! » (Le Pacha Sélim, Scène finale)
Rarement cette dimension du Pacha est traitée en profondeur. Pour les besoins du chœur, les mises en scènes donnent toujours à voir un Pacha, puissant et luxuriant, entouré de sa suite, de janissaires, de gardes et de servantes. Or, le Pacha, est bel et bien un Roi déchu qui a perdu, son amour, sa fortune, sa gloire et… qui ne chante plus.
Dans cette mise en scène, il y aura tout de même deux dimensions: la dimension aérienne (celle du Pacha) et la dimension terrienne (celle des Européens). Et lors de cette fameuse nuit où Pedrillo et Belmonte utiliseront une échelle pour délivrer leurs femmes, l’échelle ne permettra pas le succès de l’évasion mais elle deviendra un magnifique trait d’union qui permettra inconsciemment à ces deux mondes de se retrouver et de se réconcilier.
Malédiction, charmes et esprits fantômes seront de mise pour rompre le sort que le père de Belmonte a fait tomber sur le Pacha Selim. L’amour, la passion et le désir seront des sortilèges bien difficiles à maîtriser pour ces jeunes mortels.
Yann Dacosta
Distribution :
Direction : Jean-Michaël Lavoie
Mise en scène : Yann Dacosta
Opéra participatif en trois actes et en français
Livret de Gottlieb Stephanie Jr. d’après Bretzner.
Création au Burgtheater de Vienne le 16 juillet 1782.
Adaptation : Gilles Rico
Avec : Xin Wang, Gabrielle Philiponet, Jenny Daviet, Pierre-Antoine Chaumien, Julien Véronèse, Volodia Lesluin
Scénographie et costumes : Patricia Meus
Lumières : Thierry Vareille
Production : Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie